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Discussion avec Thierry Roch

Retour d'expérience : Evoluer de DRH à DG

3 minutes de lecture | Après des études de Droit et une spécialisation en Droit Social, Thierry Roch a occupé plusieurs fonctions opérationnelles dans les secteurs de la Grande Distribution et de l’Agroalimentaire, secteurs qui le passionnent. Il a ensuite été RRH, DRH puis Directeur Général moins de 20 ans après son début de sa carrière.
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Pourriez-vous, Thierry, revenir sur les grandes étapes de votre carrière qui vous ont amené au poste de Directeur Général de la branche Non Alimentaire du Groupe Intermarché ?

J’ai eu trois grandes périodes au cours de ma vie professionnelle.

 

La première chez Auchan, où j’ai commencé sur le terrain à gérer des rayons, et un centre de profit, en manageant des équipes.

 

Après cette première expérience qui aura duré près de six années, j’ai souhaité capitaliser sur ma formation juridique et sur mon expérience managériale sur le terrain en effectuant un troisième cycle en Ressources Humaines. Cela m’a permis de rebondir dans un autre univers, très riche aussi, celui de l’Agroalimentaire, en rejoignant la plus grosse usine d’abattage d’Europe. Pendant six ans et en tant que Responsable Ressources Humaines, j’ai traité des problématiques RH très opérationnelles pour un scope de 8000 collaborateurs. Suite à la crise de la vache folle, ce secteur d’activité a connu une lourde restructuration. Les problématiques de traçabilité et d’hygiène se sont durcies et mon rôle a notamment consisté à accompagner les collaborateurs dans leur montée en compétences sur ces sujets.

 

Avec la crise de 2008 cette fois, les actionnaires de la filiale pour laquelle je travaillais n’ont pas souhaité continuer à investir. Il était temps pour moi de partir. J’ai suivi mon DRH et ai ainsi retrouvé le secteur de la Grande Distribution en devenant DRH adjoint de la partie logistique pour le Groupement des Mousquetaires/Groupe Intermarché représentant un périmètre de 10 000 collaborateurs. Courant 2009, celle-ci s’est scindée en deux pour se spécialiser sur les métiers de l’alimentaire d’une part et les métiers du non-alimentaire d’autre part. Je suis devenu DRH pour la catégorie non-alimentaire. En collaboration avec le DG, il a fallu créer cette filiale de toutes pièces. C’est pourquoi mon parcours est bien évidemment marqué par les ressources humaines, mais aussi et surtout par la gestion de projet et la gestion de transformation humaine et managériale. Suite à la création de cette filiale, j’ai rapidement été perçu par le Conseil d’Administration et par les fonctions de la holding du Groupe comme un véritable Business Partner.

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C’est donc à ce moment-là que vous transitez des RH vers le poste de DG ?

Oui exactement. Historiquement, la fonction RH est incarnée par deux grands types de profils. Soit par des personnes qui viennent plutôt de l’opérationnel et de la gestion du personnel. Soit par des personnes qui accompagnent des projets et qui jouent le rôle de Business Partner. Je fais partie de ces personnes-là, bien évidemment. C’est cette caractéristique qui m’a amené à être DG. Pour la suite des événements et de façon assez classique, il arrive un moment donné où le DG en place vogue vers de nouveaux horizons et se pose la question de sa succession. Ayant recruté nombreux de mes collègues au sein du Comité de Direction, on m’a confié la responsabilité d’assurer l’intérim pendant 4 mois avant de prendre définitivement ce poste. Je pense que mon positionnement, et en particulier le fait d’avoir participé activement à la création de cette filiale, a fait que j’ai été reconnu comme étant un candidat légitime au poste et un interlocuteur fiable au sein de la structure.

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Pensez-vous que c'est le contexte dans lequel vous avez évolué qui a fait que vous avez pu réaliser cette transition ?

Je pense que ce contexte m’a offert l’opportunité, reste à avoir la motivation et certaines compétences quand même.

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Pensez-vous qu’il y ait certains contextes qui facilitent le passage d’une DRH à une Direction Générale ?

Le contexte qui a été le mien a effectivement facilité ce mouvement. Je rajouterais encore un élément qui est important concernant ma situation. Le Groupement des Mousquetaires est une coopérative, et les filiales sont au service des magasins et ont pour objectif de coûter le moins cher possible pour laisser la valeur en magasin. La filiale dont j’ai la responsabilité depuis quelques années a pour mission principale d’assurer quotidiennement la livraison des magasins. De fait, le niveau de service est très important et renvoie directement aux compétences des gens et donc au management des équipes et enfin à la maîtrise du climat social. C’est pourquoi la fonction RH y est stratégique, ce qui n’est pas le cas dans toutes les entreprises. Dans mon cas, c’est la fonction RH qui donne l’impulsion parce que la dimension la plus importante n’est pas forcément de dégager du profit mais de livrer quotidiennement nos magasins et de leur offrir un service qui leur permet à eux de dégager de la rentabilité et de gérer cet aspect-là.

devenir DG après DRH

Mon premier challenge a d'abord été celui de la crédibilité.

Thierry Roch

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Est-ce que cela veut dire que dans une entreprise où la fonction RH a un rôle moindre, ou en tous cas différent, ce serait presque impossible de connaître ce type d’évolution ?

Non, je ne crois pas. Je crois que le rôle stratégique de la fonction RH tient beaucoup aux DRH en tant que personnes. Je pense qu’ils sont aussi marqués culturellement par le positionnement de la fonction RH en France qui s’excuse presque d’exister. Il y a dans ce pays un point très important qu’est celui du Droit Social, là où dans d’autres parties du monde, on se pose moins la question des aspects juridiques et plus la question du développement et de la valeur ajoutée humaine aux activités. Selon moi, le DRH doit vraiment travailler dans cette optique-là. J’ai coutume de dire à mes RH qu’ils ne sont pas juristes et qu’ils doivent parfois s’autoriser à transgresser un certain nombre de règles pour mener à bien leur travail, à condition d’un climat social équilibré. A partir du moment où vos partenaires sociaux se rendent compte que leur DRH s’investit davantage sur la finalité que sur le formalisme de ses actions, un climat social de confiance peut se développer et les RH ont alors beaucoup plus de marge de manœuvre.

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Si on revient sur votre prise de poste en tant que DG, quels ont été les premiers challenges ?

Mon premier challenge a d’abord été celui de la crédibilité. Le deuxième a été d’acquérir et de valider un certain nombre de connaissances notamment sur les aspects financiers et sur le plan du marketing via une formation. Je pense qu’il faut de toute façon et de manière régulière, se former, se remettre en question et se nourrir de rencontres.

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C’est quelque chose que vous faites vous-même ?

Je fais partie d’un club de dirigeants, ce qui me permet d’assister régulièrement à des conférences et d’échanger avec des personnes qui viennent de milieux complètement différents. Le club accueille aussi des Ambassadeurs et des Généraux, il y a donc beaucoup de diversité en termes de profils, de compétences et d’expérience. Tous les deux mois il y a des invités particulièrement pertinents : un ambassadeur de France, un journaliste du Washington Post ou un homme politique, comme François Fillon. Ces rencontres et échanges permettent d’avoir un éclairage intéressant sur l’actualité, et également sur la manière dont une entreprise peut gérer certaines problématiques.

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Si on revient sur les challenges que vous avez rencontrés, comment avez-vous géré la question de la crédibilité lors de cette prise de poste ?

Etant quelqu’un d’assez volontaire et d’actif, je ne me suis pas posé beaucoup de questions. J’ai saisi l’opportunité d’évoluer vers ce nouveau poste sans que ce soit réfléchi ou prévu. Au-delà de cet aspect, le poste m’intéressait bien évidemment. En l’occurrence, je me trouvais au sein même d’une structure que j’avais contribué à créer. En tout cas, au niveau du siège social, j’avais recruté quasiment tout le monde. Il ne s’agissait pas d’être recruté en tant que DRH pour un poste de DG dans une nouvelle structure, auquel cas j’aurais été beaucoup plus circonspect.

devenir DG après DRH
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Quelles ont été vos premières surprises, positives ou négatives ?

La première surprise positive a été l’accueil des collaborateurs, des organisations syndicales et du personnel de manière générale. Il a été gratifiant d’être reconnu comme un élément rassurant pour cette prise de poste. Par ailleurs, j’ai fait une vraie découverte, celle de la politique, à savoir gérer la gouvernance du Conseil d’Administration. En tant que DRH intégré à un Comité de Direction, j’y avais été confronté mais là c’est devenu mon quotidien. Je me suis vite rendu compte que plus on évolue, plus les relations interpersonnelles sont importantes. La confiance de l’actionnaire ou du représentant des actionnaires est un bien tangible qu’il faut cultiver et faire fructifier. On passe beaucoup de temps, finalement, à arrondir les angles et à œuvrer sur des sujets qui ne sont pas forcément perceptibles de l’extérieur.

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C’était une chose à laquelle vous ne vous attendiez pas forcément ?

Non pas autant à vrai dire. Les aspects concernant la définition de la stratégie n’ont pas été un problème, ça s’est même très bien passé. C’est plutôt les aspects politiques qui ont été plus complexes à gérer. Le fait que la filiale que je dirige appartienne à un grand Groupe, les échanges avec les autres filiales. Les interactions deviennent alors exponentielles. On se retrouve vite loin de ses préoccupations opérationnelles quotidiennes.

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Cet aspect beaucoup moins opérationnel que vous évoquez, est-ce difficile à gérer ?

Non, ce n’est pas difficile, c’est différent. C’est un autre métier. J’ai gardé une grande tendresse pour la fonction RH parce qu’elle est opérationnelle et concrète. Organiser et gérer des projets de formation des collaborateurs pour les faire monter en compétences sur un sujet, c’est quelque chose de véritablement palpable par exemple.

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Quels conseils donneriez-vous à un DRH qui va prendre sous peu un poste de DG?

Dans un premier temps, écartons ce qui concerne le contexte de la prise de poste puisqu’il faut bien évidemment le connaître pour pouvoir répondre. Pour un DRH qui prend sa fonction de DG, il faut qu’il se détache rapidement de son rôle de DRH et qu’il arrive à se mettre dans une situation de juste milieu entre toutes les fonctions de l’entreprise. Quand un Conseil d’Administration va chercher un DAF, c’est parce que la situation financière de l’entreprise pose question. Dans le cas d’un Directeur Commercial, c’est parce que la courbe des ventes chute par exemple. Quand il s’agit du DRH, il ne faut pas qu’il fasse que du RH, parce que si on va le chercher en plein mouvement social par exemple, il est déjà trop tard. Le DRH doit gagner l’adhésion de gens qui, a priori, ont des compétences supérieures aux siennes dans chacun de leur domaine. Il doit se positionner en manager et fédérer les énergies et les compétences.

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